Comment promouvoir efficacement aujourd’hui l’abolition universelle de la peine de mort?

by S.E. M. Nicolas Niemtchinow, Ambassadeur, Représentant permanent de la France auprès des Nations unies à Genève et des organisations internationales en Suisse Blog BORRAR

10 Octobre 2014, Journée mondiale contre la peine de mort

La peine de mort est un acte cruel, inhumain et dégradant : elle n’est en rien utile à la lutte contre la criminalité et elle est toujours le signe de l’échec de la justice.

En ce 25ème anniversaire de l’adoption du Protocole international visant à abolir la peine de mort, ce combat fait l’objet d’une mobilisation toujours plus soutenue.

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Plusieurs progrès vers l’abolition universelle de la peine de mort ont été constatés au cours des dernières années.

Pratique injuste, la peine de mort a continué de reculer au cours des dernières décennies: deux tiers des Etats de la planète l’ont désormais abolie ou ont adopté un moratoire, contre seulement 16 en 1977. La France salue à cet égard les ratifications récentes du Protocole par le Salvador, le Gabon, la Guinée-Bissau et la Pologne.

En dépit de ces avancées, des reculs ne sont pas impossibles, comme l’a démontré ces dernières années la reprise des exécutions dans certains pays qui respectaient pourtant un moratoire en droit ou en fait.

C’est pourquoi nous devons rester mobilisés car chaque année, à travers le monde, des milliers d’individus sont condamnés à la peine capitale. En 2013, le nombre d’exécutions a même augmenté de presque 15 % par rapport à 2012. Une cinquantaine de pays l’applique et plusieurs Etats sont revenus récemment sur leur moratoire.

La France est pleinement engagée, avec l’Union européenne et ses partenaires, dans ce combat loin d’être achevé en faveur d’une abolition universelle de la peine de mort et c’est à ce titre que le Ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a fait de ce combat une priorité de la diplomatie française en lançant en octobre 2012 une campagne mondiale en faveur de l’abolition.

Comment faire avancer efficacement cette cause ?

Une campagne pour l’abolition de la peine de mort, pour porter pleinement ses fruits, doit se concrétiser tant au plan multilatéral par une action forte et déterminée au sein des institutions internationales pertinentes, que dans le cadre d’un dialogue bilatéral avec les Etats qui continuent d’appliquer la peine de mort.

I. Au plan multilatéral : 
La diplomatie multilatérale, à laquelle la France est très attachée, constitue un axe majeur pour la promotion de l’abolition universelle de la peine de mort, qu’il s’agisse de l’ONU, de l’Union européenne ou du Conseil de l’Europe :

* A l’Assemblée générale des Nations Unies, la France, avec l’Union européenne, promeut activement l’adoption de la résolution appelant à un moratoire sur la peine de mort, en vue de son abolition universelle.

Cette résolution biennale, adoptée pour la première fois en 2007, est présentée par un groupe de 90 Etats, dont la France, qui représentent la communauté internationale dans toute sa diversité.

Elle a été à nouveau adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en décembre 2012 et recueille un soutien toujours plus grand d’une très large majorité d’Etats membres de l’ONU, ce qui constitue une évolution très encourageante que nous chercherons à prolonger lors de la 69ème Assemblée Générale.

* Au Conseil des droits de l’Homme, la France saisit chaque occasion, en particulier dans le cadre du l’examen périodique universel, pour exhorter tous les Etats appliquant la peine de mort à l’abolir.

Dans le cadre de l’examen périodique universel, la France encourage également les pays concernés à ratifier les instruments internationaux tels que le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies, visant à abolir la peine de mort.

Avec le Bénin, le Costa Rica, la Moldavie et la Mongolie, la France est également parvenue à réintroduire la question de la peine de mort à l’agenda du Conseil, par l’organisation d’un panel en mars 2014.

Il s’agissait là d’une première étape importante qui s’est concrétisée ensuite par l’adoption d’une résolution portée par la France, la Suisse, la Belgique, le Bénin, le Costa Rica, la Moldavie et la Mongolie en juin 2014, visant à ancrer durablement la peine de mort au Conseil des droits de l’Homme en prévoyant l’organisation de débats tous les deux ans, pour permettre à la communauté internationale d’échanger sur cet enjeu majeur pour les droits de l’Homme.

La résolution adoptée en juin constitue une avancée majeure pour une autre raison : c’est la première fois que les Nations unies adoptent une résolution déplorant les violations des droits de l’Homme qui découlent de l’application de la peine de mort.

Notre action à l’AGNU et au Conseil des droits de l’Homme est complémentaire : ainsi, toutes les années paires, une résolution sera adoptée au second semestre à l’Assemblée générale, et toutes les années impaires se tiendra à Genève, au mois de mars au Conseil des droits de l’Homme, un débat sur la peine de mort.

* Au sein de l’Union européenne, la France continuera de promouvoir une politique européenne forte et ambitieuse sur la question de la peine de mort. L’abolition de la peine de mort constitue un objectif prioritaire de l’action extérieure de l’UE qui constitue le donateur le plus important en faveur de cette cause. Cet engagement en faveur de l’abolition s’est traduit par l’adoption de lignes directrices de l’UE sur la peine de mort, en 1998, les premières lignes directrices jamais adoptées par l’UE en matière de droits de l’Homme.

* Le Conseil de l’Europe a également joué un rôle déterminant dans le combat pour l’abolition avec l’adoption, en 2002, du Protocole n°13 à la Convention européenne des droits de l’Homme sur l’abolition de la peine capitale en toutes circonstances. Aucun des Etats membres du Conseil de l’Europe n’applique plus ce châtiment.

II. Au plan bilatéral :
Pour être pleinement efficace, la campagne pour l’abolition universelle de la peine de mort ne peut pas faire l’économie d’un dialogue franc et régulier avec les pays où la peine de mort existe encore.

Sur le terrain, la France mobilise son réseau :

* Par des démarches générales ou en faveur de cas individuels, pour rappeler l’opposition de la France à la peine de mort, en tous lieux et en toutes circonstances ;

* Par l’organisation d’événements, de conférences, de projections ou de débats, partout où la peine capitale est encore appliquée, afin de porter la campagne et de soutenir les acteurs engagés dans la cause abolitionniste.

Dans son action, la France s’appuie aussi sur le travail effectué par la Commission internationale contre la peine de mort (ICDP), « Ensemble contre la peine de mort » et les ONG réunies au sein de la Coalition mondiale contre la peine de mort.

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La campagne en faveur de l’abolition universelle de la peine de mort nécessite courage, détermination et persévérance. L’opinion publique ne peut servir de prétexte pour maintenir la peine capitale. Pour abolir la peine de mort, il faut savoir précéder la société, lui montrer le chemin. C’est une bataille qui ne peut être gagnée seule et qui doit s’appuyer sur l’ensemble des acteurs : organisations internationales et régionales, parlementaires, élus locaux, société civile, ONG et citoyens.

Abolir la peine de mort, c’est faire progresser la justice et l’Humanité toute entière : c’est ce message que la France et sa diplomatie entendent continuer de porter avec l’Union européenne et ses partenaires.

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