La promotion de l’universalité des droits de l’homme à Genève : la participation des PMA et PEID aux travaux du Conseil des droits de l’homme

by Fatou Camara Houel and Geneva Blog BORRAR, By invitation, By invitation BORRAR

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La commémoration du quinzième anniversaire de l’adhésion de la Suisse à l’ONU représente une occasion parfaite pour reconnaître l’importance stratégique de l’Office des Nations Unies à Genève (l’ONUG). Il est important de noter que le Conseil des droits de l’homme (CDH), l’organe intergouvernemental chargé de promouvoir et protéger les droits de l’homme et le HCDH, qui a pour tâche de le soutenir, sont tous deux basés à l’ONUG.                  

Le CDH est fondé sur une approche universelle des droits de l’homme et a pour rôle de s’attaquer aux problèmes touchant aux droits de l’homme partout dans le monde. En même temps, il cherche à établir des systèmes aux niveaux, national, régional et international pour garantir le plein exercice des droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, dans les traités internationaux des droits de l’homme et dans d’autres instruments concernant les droits de l’homme. Une approche universelle des droits de l’homme est liée de manière inextricable à la participation universelle des États membres à ses travaux.

Coïncidant avec son dixième anniversaire, le 13 juin 2016, le CDH a tenu sa première réunion universelle. Ce jour-là, les 193 États membres des Nations Unies étaient présents au CDH dans la salle des Droits de l’homme et de l’alliance des civilisations (salle XX), qui porte bien son nom, au Palais des Nations. Pourquoi était-ce un moment historique pour le Conseil ? Parce que deux catégories d’États, c’est-à-dire les pays les moins développés et les petits états insulaires en développement, qui font face à beaucoup de difficultés pour participer aux travaux du CDH, étaient tous présents, en dépit des obstacles qu’ils ont à surmonter pour pouvoir participer.

L’un des plus gros problèmes est la grande distance géographique entre Genève et la plupart des PMA et PEID. Les très longues durées de voyages, les ressources nécessaires au voyage et les autres frais sont des obstacles réels à leur participation aux travaux du CDH. C’est important de rappeler également que 12 des PMA et PEID n’ont pas de missions permanentes à Genève. Ceux qui sont sans représentation trouvent difficile, voire impossible, de participer aux sessions du Conseil.

Mais les obstacles ne sont pas insurmontables. En mars 2012, le CDH a décidé à l’unanimité d’établir un Fonds d’affectation spéciale d’assistance technique volontaire à l’appui de la participation des pays les moins avancés et des petits États insulaires en développement dans les travaux du Conseil des droits de l’homme (résolution 19/26). Le Fonds d’affectation spéciale pour les PMA et PEID, administré par le HCDH, apporte le financement, la création de capacités et la formation essentiels pour soutenir la participation de ces États.

Le Fonds était essentiel pour garantir la participation de nombreux PMA et PEID à la réunion universelle de juin 2016 au CDH. Comme l’a fait remarquer S.E. l’ambassadeur Alexandre Fasel, ancien Représentant permanent de la Suisse, quand il parlait à ces délégués, en déclarant : « Votre présence à Genève, rendue possible par le Fonds d’affectation spéciale pour les PMA et les PEID, est, à mon avis, une contribution absolument remarquable au dixième anniversaire. »

Le Fonds d’affectation spéciale pour les PMA et les PEID : comment ça marche

Michael Møller, directeur général de l’ONUG, précise que le Fonds est « un outil très important qui nous permet à tous de bénéficier de l’interaction, ici à Genève, avec les États membres et des gens de tous les coins du monde. » [1]

Le Fonds a facilité un partenariat unique entre le HCDH, le CDH, et les États donneurs et bénéficiaires.

Le Fonds prévient les PMA, PEID et leurs organisations régionales des sessions du CDH à venir. Pour accéder au Fonds, les PMA et PEID proposent des candidats pour être délégués à une session du CDH ou pour bénéficier d’une bourse. On donne priorité aux PMA et PEID qui n’ont pas de représentation permanente à Genève. Les délégués reçoivent la formation en ligne pré-PMA et PEID sur le HRC, les instruments juridiques appropriés et les mécanismes du CDH. Ils reçoivent aussi une formation initiale à leur arrivée à Genève.

Le Fonds d’affectation spéciale valorise l’universalité du Conseil et est un « Genève Gender Champion. » Sur 86 délégués pris en charge par le Fonds, 51 (59 %) étaient des femmes. C’est un excellent taux, tous les acteurs des droits de l’homme devraient en être fiers et s’efforcer de le maintenir.

Qu’est-ce qu’il faut pour amener les délégués des PMA et PEID à Genève

Pour participer à la session universelle, les délégués bénéficiaires des PEID ont couvert 403 121 km, une distance plus longue que 10 tours du monde, et ont passé plus de 500 heures (environ 20 jours) à voyager. Efren Jogia, délégué du programme de bourses de Tuvalu en 2014, a déclaré : « Mon voyage de Tuvalu en Suisse a été un marathon de trois jours ! Après être arrivé de Funafuti, en passant par Suva, Nadi, Sydney, l’Arabie saoudite, puis Bruxelles, pas besoin de dire que je me sentais un peu dépassé quand je suis arrivé à Genève. »

Molly Helkena, des îles Marshall, était une des déléguées bénéficiaires à HRC34. Elle a souligné les difficultés que rencontre un délégué venant d’un PEID sans mission permanente à Genève. « Quand je suis arrivée dans l’avion, je me demandais dans quoi je m’embarquais. J’avais peur. C’était la première fois que je venais dans cette partie du monde. Il faut se débarrasser des peurs et de la détresse envers ce qui va se passer. Et quand vous y arrivez, le résultat, c’est vous y êtes ! Je suis ici, au Conseil, je fais entendre ma voix. C’est un privilège d’être ici. Ma voix a été entendue, même venant d’un petit État comme le mien, et j’ai pu transmettre mes messages et mes problèmes ».

Le Conseil des droits de l’homme ne s’apprend pas, il se vit ! (We do not learn about the Council, we live it!)

Il y a de la technologie disponible pour assurer que les délégués aient une meilleure connaissance des travaux du Conseil. Cela comprend l’outil e-learning, qui est une formation en ligne gratuite, accessible et soucieuse de la question du genre sur le CDH et ses mécanismes, qui a été développé par le Fonds.

Cependant, le Conseil des droits de l’homme ne s’apprend pas, il se vit ! Il est essentiel que les délégués des PMA et PEID aient l’occasion d’assister à une session ordinaire du Conseil. Les discussions ont lieu non seulement dans la Salle XX, mais aussi dans les autres salles de conférence du Palais des Nations, où des discussions informelles se concentrent sur les résolutions et les décisions. Il y a aussi beaucoup d’événements parallèles auxquels on peut assister,

La participation en personne des PMA et PEID au Conseil est primordiale pour qu’ils contribuent pleinement et elle doit être consolidée. Cela coûte environ 12 000 francs suisses pour qu’un délégué de ces régions assiste à une session à Genève. C’est un investissement à long terme que la communauté internationale doit faire pour rendre la promotion et la protection des droits de l’homme véritablement universelles.

La diversité, la richesse et le profond engagement des délégués se reflètent dans leurs témoignages dans les diverses publications du Fonds. Les délégués bénéficiaires profitent pleinement des opportunités offertes par le Fonds pour devenir complètement familiers avec les travaux du Conseil des droits de l’homme et pour y participer. Cela a un effet réel sur le travail des délégués lorsqu’ils retournent dans leur pays.

La communication dans les deux sens

Les délégués et les boursiers qui participent aux sessions du CDH font le long voyage vers Genève déterminés à contribuer aux droits de l’homme, à trouver des solutions à la myriade d’enjeux concernant les droits de l’homme dans le monde, et à garantir que les droits de l’homme continuent à être une priorité essentielle à l’ordre du jour sur la scène internationale. Grâce au Fonds d’affectation spéciale, la taille d’un pays, sa localisation et son niveau de développement ne constituent pas un obstacle à leur participation et leur contribution au CDH.

Les PMA et PEID viennent pour partager leurs expériences et leur vision. Leurs opinions informent le CDH et les autres organismes chargés de la promotion et de la protection des droits de l’homme à Genève. De plus, grâce aux interactions en personne, le HCDH, les États membres et les observateurs du CDH et les ONG peuvent entendre les délégués des PMA et PEID et apprendre d’eux.

En même temps, les PMA et PEID qui participent aux travaux du CDH ont l’occasion d’entendre d’autres délégués dans la salle, y compris des représentants des organismes et des organisations des droits de l’homme à Genève. Ces discussions peuvent contribuer à alimenter l’élaboration des politiques concernant les droits de l’homme aux niveaux national et régional et à consolider et établir les capacités pour la promotion et la protection des droits de l’homme sur le terrain. Cela met en évidence le rôle inestimable du Fonds d’affectation spéciale.

Le Fonds pour les PMA et les PEID — une base de donateurs élargie

Le succès du Fonds d’affectation spéciale dépend des contributions volontaires des pays donateurs. Ceux-ci permettent au CDH de poursuivre son objectif de participation universelle à ses travaux. Les donateurs ont répondu rapidement et généreusement. En 2015, seulement trois États ont contribué au Fonds d’affectation spéciale. Dans les deux dernières années, le nombre de donateurs au Fonds d’affectation spéciale est passé à 21 États, ce qui reflète l’importance de veiller à ce que le soutien financier nécessaire soit disponible pour permettre aux PMA et PEID de participer aux travaux du CDH. [2}

Les réalisations du Fonds

Au début, un noyau d’États, qui comprenait la Suisse, un petit nombre de PMA et PEID et quelques autres pays partageant le même état d’esprit, menait l’initiative du Fonds. Aujourd’hui, le Fonds d’affectation spéciale est largement reconnu comme un des succès du HRC. Trois ans après que le Fonds d’affectation spéciale est devenu opérationnel, le 1er janvier 2014, le soutien qu’il a fourni a conduit à une augmentation marquée de la participation et la contribution des PMA et PEID aux travaux du CDH. Cette évaluation est fondée sur des données statistiques décrites ci-après.

À ce jour, 86 délégués et boursiers de 61 PMA et PEID (28 d’Afrique, 19 d’Asie et du Pacifique, 14 des Caraïbes et de l’Amérique latine) ont participé à des sessions ordinaires du CDH. 100 % des PMA et PEID des Caraïbes et de l’Amérique latine, 86,3 % des PMA et PEID de l’Asie et du Pacifique, et 77 % des PMA et PEID d’Afrique (représentant un total de 86 % de tous les États membres éligibles), ont été soutenus par le Fonds d’affectation spéciale. Pour de nombreux représentants, ce fut leur première occasion de participer au HRC.

L’avenir

Le Fonds d’affectation spéciale pour les PMA et les PIED progresse vers l’avenir. Le rôle crucial qu’il joue a été reconnu en mars, quand le Conseil des droits de l’homme a adopté à l’unanimité, la résolution 34/40 sur « La promotion du Fonds d’affectation spéciale d’assistance technique volontaire à l’appui de la participation des PMA et PEID dans le travail du Conseil des droits de l’homme » pour marquer son cinquième anniversaire.

La résolution a été coparrainée par 120 États, ce qui en fait la deuxième résolution la plus parrainée depuis la création du CDH en 2006. Outre le nombre record de coparrains, il y avait trois autres étapes « première fois » conclues avec la résolution : c’était la première fois que tous les États sans missions permanentes à Genève coparrainaient une résolution du CDH ; la première fois que TOUS les États du Pacifique coparrainaient une résolution du CDH ; et la première fois qu’une résolution était coparrainée par tous les 14 États membres de la Communauté des Caraïbes (CARICOM).

La résolution 34/40 établit une feuille de route qui va guider le Fonds d’affectation spéciale dans l’exécution de son mandat. Å son dixième anniversaire, en 2020, les travaux du Fonds d’affectation spéciale seront examinés et son impact et ses achèvements seront évalués. Il reste encore beaucoup à faire avant et il y a de nombreux objectifs encore à atteindre.

Le Fonds d’affectation spéciale a pour but de garantir que tous les PMA et PEID auront bénéficié de soutien d’ici 2018. Il est également prévu d’organiser des ateliers en Afrique, en Asie et dans le Pacifique, dans les Caraïbes et en Amérique latine. Un autre objectif est d’inclure les anciens délégués bénéficiaires à ces ateliers pour aider à évaluer les réalisations et planifier la marche à suivre. De plus, des séances d’information seront données aux missions permanentes des PMA et PEID auprès de l’ONU à New York pour les aviser des travaux du CDH, pour continuer à construire des synergies entre New York et Genève et afin de poursuivre le renforcement des capacités et la formation.

Pendant ce temps, le Fonds continuera de soutenir l’objectif d’universalité pour la participation au Conseil. La trente-sixième session du Conseil se réunira du 11 au 29 septembre 2017 et le Fonds d’affectation spéciale soutiendra la participation de 9 délégués et boursiers (sept femmes et deux hommes). [3}

Le renforcement des capacités dans le domaine des droits de l’homme et l’universalité du CDH demeurent des priorités pour le Fonds d’affectation spéciale. Comme l’a déclaré le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, « le Fonds d’affectation spéciale soutient les efforts du HCDH pour renforcer les capacités des fonctionnaires du gouvernement travaillant dans le domaine des droits de l’homme et de permettre leur participation directe et éclairée au Conseil des droits de l’homme et à ses mécanismes. » Le travail du Fonds d’affectation spéciale et le concept d’universalité qui sont à la base de son soutien des PMA et PEID relèvent tout à fait des objectifs de l’Agenda 2030 de l’ONU et contribueront à accélérer la mise en œuvre de l’ensemble des 17 objectifs de développement durable.

Idéalement, le soutien du Fonds d’affectation spéciale devrait également encourager davantage les PMA et PEID à se présenter aux élections du CDH, et à être élus en tant que Membres. À l’heure actuelle, seuls cinq pays les moins avancés sont parmi les 47 membres du Conseil et aucun des membres n’est PEID. Les PMA actuellement membres du CDH sont le Bangladesh, le Burundi, l’Éthiopie, le Togo et le Rwanda. Les seuls PEID qui sont membres du CDH depuis sa création il y dix ans sont les Maldives et l’île Maurice.

Il y a là matière à réflexion… puisque les élections pour les Membres du Conseil en 2018-2019 du Conseil vont bientôt avoir lieu.

  Mme Fatou Camara Houel est Secrétaire du Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et Coordonnatrice du Fonds d’affectation spéciale d’assistance technique volontaire pour soutenir la participation des pays les moins avancés (PMA) et les petits États insulaires en développement (PEID) dans les travaux du Conseil des droits de l’homme (CDH). Le Fonds d’affectation spéciale est administré par la Direction du Conseil humaine de l’Office des Nations Unies du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH).

Les opinions exprimées dans cet article sont personnelles et ne reflètent pas nécessairement les vues des Nations Unies.

[1] La première session universelle historique du CDH à l’occasion de son anniversaire : les contributions du Fonds d’affectation spéciale des PMA et PEID, à la page 29, disponible ici.

[2} Liste des pays donateurs et leurs déclarations sur les raisons pour lesquelles ils ont soutenu le Fonds d’affectation spéciale disponible ici. 

[3} Biographies des délégués et des boursiers, disponibles ici.

[4} Brochure du Fonds d’affectation spéciale des PMA et PEID, « Voix de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) : une étape historique de la participation de tous les PEID des CARICOM grâce au soutien du Fonds d’affectation spéciale des PMA et PEID, » Genève, juin 2017, page 4, disponible ici.

Traduit de l’anglais par Véronique Bergeron.

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